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Monaco, le 13 décembre 2021 —— Jean-Luc Vannier.

Il Corsaro vocalissimo à l’opéra de Monte-Carlo

Massimo Zanetti (Direction). Photographie © Alain Hanel.

« Sur les flots joyeux de la mer sombre et bleue, nos pensées sont infinies et nos âmes sont libres aussi loin que la brise peut se faire sentir, que les vagues écumeuses étendent leur empire, là est notre patrie, là nos royaumes sans limites à leur puissance » (Lord Byron, Le Corsaire, Premier chant, Edition E. Dentu, 1892, pp. 1,2). Aiguisée par une telle introduction, l’inspiration n’aurait pas dû manquer à Giuseppe Verdi pour écrire son Il Corsaro créé au Teatro Grande de Trieste le 25 octobre 1848 sur un livret de Francesco Maria Piave. Ce n’est pas le mouvement révolutionnaire français, avec, en point d’orgue, la chute de la monarchie de Juillet entre le 22 et 25 février de la même année qui l’en priva. Peut-être faut-il « chercher la femme », en l’occurrence Giuseppina Strepponi, interprète de ses œuvres, déjà sa maîtresse mais pas encore son épouse et qui, jusqu’à l’embrasement complet de l’Europe, avait décidé de s’installer définitivement à Paris (Pierre Milza, Verdi, Tempus, 2004, p.160). De ce Il Corsaro qui disparut du répertoire italien après les trois premières représentations, l’opéra de Monte-Carlo a réussi son audacieux pari de le proposer, dimanche 12 décembre à l’auditorium Rainier III et ce, dans une magnifique version de concert.

Roberta Mantegna (Gulnara), Giorgio Berrugi (Corrado) et Artur Rucinski (Seid). Photographie © Alain Hanel.

Réussite qu’il convient en premier lieu d’attribuer à Massimo Zanetti dont la direction de l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo sait intensifier la musicalité orchestrale d’une œuvre qui en manque parfois : la bataille entre les deux puissantes armées à l’acte II nous semble bien légère tandis que les notes censées suggérer le harem peinent à trouver les accords exotiques adéquats. Mais le maniement énergique de la baguette par le maestro nous réserve fort heureusement de sublimes moments : par exemple, lors du prologue avec le déchaînement des flots tempétueux, puis avec la douceur des cordes (1er violon : David Lefèvre) mêlées aux vents et bientôt accompagnées des magnifiques chœurs de l’opéra de Monte-Carlo a cappella « Come liberi ». Même bonheur initié par la subtile introduction du duo de l’acte III avec l’alto (F. Mereaux) et le violoncelle (D. Perrone), ou bien encore, au dernier acte, par le hautbois (M. Bloch) qui annonce la mort prochaine de Medora. Notons une direction tout aussi exigeante des chanteurs sur le plateau. Du grand art !

Une brillante distribution fut, par surcroît, garante du succès. Dans le rôle-titre du Corsaire, Giorgio Berrugi, déjà ovationné dans une Tosca marseillaise, déploie une impeccable ligne de chant, aussi riche en nuances avec son « Infelice son io » à l’acte I que puissante en projection. Ténor verdien dans l’âme, il sait accentuer l’incarnation chaleureuse de ses forte sans faiblir dans les médiums. Il reçoit une salve légitime d’applaudissements dès la fin du premier tableau après son « Dal braccio nostro oppresso, Il Musulman cadrà ».

Irina Lungu (Medora). Photographie © Alain Hanel.

Acclamé plusieurs fois sur la scène monégasque - Luisa Miller en décembre 2018 puis Lucia di Lammermoor pour la fête nationale en novembre 2019, le baryton Artur Rucinski - densité très colorée des intonations, justesse irréprochable de ton même dans les forte qu’il enchaîne lui aussi avec une rare aisance « Salve Allah » - suscite le vif enthousiasme du public dès son apparition à l’acte II. Et plus encore à l’acte III où sa fureur contre son rival Corrado « Trema iniqua ! » déclenche une ovation méritée.

Côté féminin, reconnaissons que la soprano Irina Lungu, déjà entendue dans une Bohème sur le Rocher, ne trouve pas dans le rôle de Medora sa meilleure performance : si la voix conserve de fort beaux accents, de fragiles vocalises se font entendre dès son premier air « Non se le tetre immagini… ». Le timbre est parfois empreint de sonorités légèrement métalliques. Saluée lors de l’attribution à l’unanimité de son Prix Vincenzo Bellini en 2016, la  soprano Roberta Mantegna, elle aussi très appréciée de l’opéra de Monte-Carlo avec I Masnadieri en avril 2018, nous émeut dès son « Vola talor dal carcere » : ligne de chant aux aigus certes resserrés mais qui, incontestablement, charment par une capacité à les vivifier, à leur donner une couleur très humaine et authentique. D’admirables vocalises par leur souplesse et leur justesse ainsi qu’un suraigu savamment tenu en note ultime de cet opéra lui valent in fine une ovation de la salle.

In-Sung Sim (Giovanni et Lodovico dans Otello à Monaco), Maurizio Pace (Aga Selimo et Abdallo dans Nabucco), Lorenzo Caltagirone (Un eunuque) et Domenico Cappuccio (Un esclave) complètent cette brillante distribution.

Monaco, le 13 décembre 2021
Jean-Luc Vannier


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Mardi 14 Décembre, 2021 11:00